Association TRAITS D’UNION  

DIX ANNÉES SCOLAIRES VÉCUES DE L’INTÉRIEUR

1970 – 1980

 J’étais instituteur à l’école des garçons de Glageon. Lors d’une inspection en Avril 1967, Monsieur Jean-Claude Warembourg, Inspecteur Départemental de l’Éducation Nationale et Inspecteur pour l’enseignement spécialisé, me conseilla de suivre la formation conduisant à l’obtention du CAEI (Certificat d’Aptitude à l’Éducation des enfants et adolescents déficients ou Inadaptés). Une spécialisation qui pouvait offrir d’intéressantes possibilités de promotion, ce que je pourrai vérifier quelques années plus tard en prenant en Septembre 1980 la direction pédagogique de la MDE ( Maison Départementale de l’Enfance), 93 rue d’Esquermes, à Lille.

 Habitant Trélon, je savais qu’il existait à l’intérieur du Préventorium, comme on disait communément, deux écoles spécialisées pour enfants rencontrant des problèmes de santé. Deux écoles liées à l’Éducation Nationale par un protocole d’accord (voir texte joint). Ces jeunes malades bénéficiaient d’un enseignement allégé puisqu’ils n’allaient en classe que vingt heures par semaine.

 Après réflexion, je décidai de solliciter mon inscription au stage de formation d’une année scolaire et pour correspondre idéalement à la spécialisation des deux écoles, je choisis l’option « déficients physiques.»

 Ma candidature ayant été retenue par les services de l’Inspection Académique à Lille pour l’année scolaire 1969-1970, je suivis la formation à l’École Normale de filles de Caen ainsi que les cours des sciences de l’éducation dispensés à l’université caennaise par les pédagogues renommés qu’étaient alors Gaston Mialaret et Jean Vial.

 En Juin 1970, j’obtins la partie théorique du diplôme et suite à ma demande lors du mouvement des instituteurs, je fus nommé à titre provisoire à « l’école mixte de l’aérium – classe de plein air » pour la rentrée de Septembre (voir copie jointe).

 C’est début Septembre 1970, lors d’une séance d’éducation physique avec ma classe que le Président du Conseil d’Administration, Monsieur Roger Cogné, me présenta Monsieur Lucien Boudard à qui il faisait découvrir la géographie de l’établissement. Je fis ainsi connaissance du nouveau directeur de l’établissement. De la pratique du sport à l’école, nous passâmes allégrement au football et nous sympathisâmes immédiatement.

C’est également lors de la rentrée de Septembre 1970 que je fis la connaissance de Madame Jacqueline Guillet qui passait d’institutrice à directrice de l’école intérieure réunissant les écoles de l’aérium et du préventorium (les directrices de l’école de l’aérium, Mademoiselle Anne-Marie Capitain et de l’école du préventorium, Madame Pierrette Houzet partant toutes les deux en retraite).

 Enfin, je pris connaissance de l’intervention « musclée » de Monsieur Marc Rancurel, Inspecteur d’Académie, demandant la fusion des deux écoles et le passage à vingt-sept heures d’enseignement hebdomadaire.

 Le 12 Novembre 1971, je passai la partie pratique du CAEI consistant en une demi-journée de classe devant un jury d’enseignants présidé par l’inspecteur spécialisé du secteur, suivie par un entretien à teneur pédagogique sur ma pratique quotidienne.

 Le rapport rédigé par Monsieur Warembourg ce jour-là précise : « Il s’agit d’une classe d’un niveau correspondant approximativement au CE2 mais par rapport à ce niveau tous les enfants sont en retard, 7 de 3 ans, 13 de 4 ans et 2 de 5 ans. » Un constat qui corrobore une nouvelle fois les propos de Monsieur Rancurel : « Le recrutement ne correspond plus du tout à la destination première de l’établissement. »

 Ce 12 Novembre 1971, mes élèves se montrèrent particulièrement appliqués et après concertation, le jury m’apprit que j’avais pleinement répondu à leurs attentes et que j’étais définitivement reçu au CAEI. Monsieur Boudard nous ayant rejoints dans ma classe, un dialogue amical s’installa et il nous pria tous à déjeuner dans sa salle à manger personnelle.

 En Juin 1972, je reçus une nomination à titre définitif cette fois.

 Inspecté le 15 Novembre 1974, le rapport de Monsieur Warembourg confirme la mutation du recrutement de l’établissement : « Il s’agit d’une classe dont le niveau scolaire correspond approximativement au CE2 (garçons IMP et cas sociaux). Quant à l’âge, les retards sont évidemment très importants : 3 élèves en retard de 5 ans – 3 de 4 ans – 5 de 3ans. » sur un effectif de 16 élèves.  

 L’OUVERTURE PÉDAGOGIQUE

 Je cite à nouveau Monsieur Rancurel qui préconise : « Ouverture sur le monde environnant, sorties, visites et échanges. »

 Ainsi, au cours du repas pris en commun, Monsieur Warembourg exprima un double souhait :

 * il me demanda si j’accepterais dans le cadre de la formation professionnelle de faire une demi-journée de classe devant les jeunes instituteurs débutants et les chevronnés qui le désireraient,

 * il demanda à son hôte s’il était possible qu’exceptionnellement les élèves de ma classe travaillent un mercredi matin, jour de repos scolaire.

 Ayant obtenu un double accord, la date du mercredi 25 Novembre 1971 fut arrêtée (voir planning).

 J’officiai donc ce jour-là dans une salle de classe bondée avec des élèves motivés et fiers. A la fin de la matinée qui s’était parfaitement déroulée, Monsieur Warembourg en profita pour battre en brèche avec insistance la mauvaise réputation de l’école de « La Maison des Enfants » où les enseignants redoutaient d’être nommés.

 La même opération fut reconduite le mercredi 7 Février 1973 ( voir planning) avec, parmi les « spectateurs », outre les jeunes instituteurs, de nombreux éducateurs de la maison.  

 Sollicité par Monsieur Warembourg, j’acceptai de devenir « maître formateur » occasionnel et j’accueillis des collègues instituteurs en formation spécialisée réalisant un stage pratique en immersion dans les options HS « Handicapés Sociaux » et DI « Déficients Intellectuels ». Un reflet pertinent de la nouvelle orientation de l’établissement entre IMP (Institut Médico-Éducatif) et MECS (Maison Éducative à Caractère Social).

 Malgré ce timide mais fécond début d’ouverture, je dois malheureusement confirmer les propos de Monsieur Rancurel : « La collaboration entre enseignants, monitrices d’internat, direction administrative et médecins n’existe pas. Il ne se produit aucun échange véritable entre toutes les personnes intéressées à l’éducation et à la santé des enfants, aucun réunion de synthèse.» Un constat regrettable puisque le protocole d’accord, parlant des directeurs d’écoles, préconisait déjà : « Pour les aider dans leur tâche, le dossier d’admission des enfants comprend une fiche de scolarité qui doit être remplie, avant l’entrée, par les maîtres de l’école qu’ils ont fréquentée. Pour assurer l’unité pédagogique de l’établissement, une réunion collective des enseignants et des éducateurs se tiendra deux fois par mois et plus souvent si le besoin s’en fait sentir sous l’autorité de Madame la Directrice de l’établissement. »

 En effet, aucun dossier ne nous était communiqué et les seuls échanges entre instituteurs et éducatrices se déroulaient de façon informelle et forcément succincte devant la porte de la classe quand les élèves nous étaient amenés ou repartaient dans leurs groupes.

 Cependant, je tenais pour chaque élève une fiche d’observation relatant les difficultés comportementales ou cognitives notées au fil du temps dans l’optique d’y remédier intelligemment.

 L’OUVERTURE ÉDUCATIVE

 A mon arrivée en 1970, tout le personnel éducatif était féminin.

 Monsieur Boudard innova dès son arrivée en engageant pour encadrer les enfants pendant les vacances estivales 1971 et 1972 six hommes dont je faisais partie (voir photographies).

 À titre personnel, ce nouveau métier d’éducateur me permit de découvrir de l’intérieur un aspect de la vie des jeunes que j’avais en classe. Une partie qui m’était inconnue même si je l’imaginais, plus ou moins correctement, et de briser ainsi cette regrettable dichotomie entre l’enseignement et l’éducation dispensés dans le même établissement.

 En 1973 et 1974, autre innovation avec la mise en place de séjours de vacances en Juillet et Août dans la Somme au Crotoy avec un encadrement mixte. J’en assurai la direction chaque mois d’Août (voir photographies).

 En 1978, furent créés plusieurs « groupes de jour » qui accueillaient des enfants relevant de l’école primaire, orientés par la CCPE (Commission de Circonscription Préscolaire et Élémentaire) après signalement de leurs enseignants pour lourdes difficultés. Ces jeunes, domiciliés dans le proche secteur géographique et bénéficiant du statut de demi-pensionnaires, étaient scolarisés dans les différentes classes de l’établissement.

 L’OUVERTURE SPORTIVE : L’USEP

 Avec un collègue, nous créâmes une section USEP (Union Sportive de l’Enseignement Primaire) avec au programme cross-country, athlétisme, basket-ball et football.

 Afin d’améliorer notre équipement sportif, mes élèves rédigeaient et imprimaient un journal scolaire qu’ils vendaient à l’ensemble du personnel de l’établissement. Quand la somme recueillie était suffisante, je proposais l’achat d’un nouveau ballon par exemple dans un magasin de matériel sportif à Fourmies. Après appel aux volontaires et vote de l’ensemble des élèves, j’emmenais les trois démocratiquement  « élus » dans ma voiture réaliser leur achat  avec naturellement l’autorisation indispensable  de Monsieur Boudard. 

 Très vite, nos jeunes obtinrent d’excellents résultats. Et grâce à la compréhension de Monsieur Boudard acceptant régulièrement de mettre à notre disposition un bus et un chauffeur, nous pûmes nous déplacer dans d’autres secteurs où nous étions bien accueillis même si nous étions redoutés (voir planning, photographies et coupures de presse).

L’OUVERTURE SPORTIVE : L’US GLAGEON

 Pendant ma période glageonnaise, j’avais accepté de rechausser les crampons et de signer une licence pour pratiquer le football dans le club local.

 Titulaire du Brevet d’État d’initiateur, j’avais pris en charge l’entraînement des jeunes de l’USG. Je fis rapidement le lien avec les garçons que je côtoyais dans la section USEP, certains ayant de remarquables dispositions. Je sollicitai une fois encore Monsieur Boudard qui accepta que quelques gamins signent une licence pour Glageon. Je passais  donc le mercredi après-midi et le dimanche matin prendre mes jeunes footballeurs et les ramenais après la séance ou la rencontre.

 Après mon départ en 1980, certains jeunes rejoignirent l’AS trélon.

  L’OUVERTURE SPORTIVE : INSTITUTEURS ET ÉDUCATEURS  

 Des matches de football opposant éducateurs et instituteurs, respectivement emmenés par  Monsieur Boudard et moi-même, ponctuaient agréablement l’année scolaire (voir photographies). Ils se disputaient sur le petit terrain situé derrière l’infirmerie devant les enfants qui ne savaient qui encourager…

 Ces sympathiques rencontres conduisirent à la création d’une équipe  mixte  enseignants-éducateurs, rassemblant les éléments les plus « doués » pour rencontrer d’autres établissements comme l’Institut Médico-Socio Pédagogique « Le Home Delano » à Péruwelz en Belgique, voire même participer à des tournois organisés par des clubs de la région (voir photographies). Les troisièmes mi-temps épiques ont laissé de bien plaisantes traces dans les mémoires des participants.

 Michel BOMBART

 

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